Du projet de recherche à l’exposition
Focus sur l’exil scientifique forcée
hier et aujourd’hui (RESTRICA)
Exposition « Poser pour la Liberté »
Présentée par Pascale Laborier (Commissaire)
« L’entre-deux » est désormais le nouveau pays : le pays de l’exil où se rencontrent les exilés d’hier et d’aujourd’hui. C’est le chemin de la solitude solidaire que j’ai pris. La solidarité est ma nouvelle famille.
D’où suis-je ? Je ne saurais sincèrement y répondre. Dans la posture de l’accueillant qui est la mienne, je refuse de raisonner en ces termes. La fraternité est pour moi la valeur cardinale des relations humaines.
Il y a peu encore, la science vénézuélienne était réputée pour son ouverture et son excellence. Aujourd’hui, tout cela s’effondre en même temps que la liberté de penser.
Rester dans mon pays était devenu impossible. Difficilement, j’ai rejoint la France où j’ai réalisé mon rêve dans le domaine incroyable de la recherche qui dépasse les frontières et les nationalités.
Sans en avoir véritablement conscience, la mémoire de l’exil chilien a toujours été présente depuis mon enfance mais l’histoire personnelle de mon père m’a longtemps, elle, été – et demeure encore – racontée par bribes.
Le Burundi étant devenu un terrain de recherche hostile totalement inaccessible pour moi, j’ai été forcé de l’abandonner et de m’exiler en France.
Prendre la décision de partir, chercher un meilleur horizon, faire de l’exil une action. Pendant cette période, l’apprentissage ne cesse jamais. J’ai appris à être résiliente, à avoir cette capacité d’adaptation.
Reconstruire un immeuble est facile, rebâtir un héritage culturel ne l’est pas. Il est temps pour Mossoul de s’élever et de redevenir une ville de culture et de liberté intellectuelle.
Je ne suis plus une universitaire en danger ; je suis l’une des milliers d’universitaires précaires dans le marché du travail académique européen. L’oppression politique n’est pas la seule façon de limiter les libertés académiques.
En 2015, j’ai aidé à la rédaction d’un mémorandum à l’attention de la communauté internationale et de la présidence congolaise. Ma participation à ce collectif d’avocats a suffi pour faire de moi un opposant.
Il est indispensable de protéger les porteurs de savoirs sur place, avant même que ne surviennent les conditions extrêmes qui causent l’exil.
J’ai été candidat contre la dictature ce qui m’a valu une tentative d’assassinat et l’enlèvement de mon épouse. Lorsqu’ils apprirent la nouvelle, les étudiants décidèrent de défier la dictature en érigeant un rond-point de fortune à mon nom.
Prendre part à l’accueil est une lourde responsabilité, j’essaie d’en faire ma part. Ce faisant, nous tentons d’affirmer l’importance de la solidarité mondiale face aux graves violations de la liberté politique, académique et d’expression.
Nous sommes tous des acteurs de cette liberté de penser, d’agir et d’exercer son métier.
En 1993, je prends librement la décision de venir en France pour y faire mes études. Vingt-sept ans plus tard, je reviens, mais de manière contrainte. Cette fois-ci c’est un aller simple. Le Venezuela, le pays où je suis né, n’est plus un pays, c’est un cauchemar.
Prendre la décision de partir, chercher un meilleur horizon, faire de l’exil une action. Pendant cette période, l’apprentissage ne cesse jamais. J’ai appris à être résiliente, à avoir cette capacité d’adaptation.
La peur est l’élément déclencheur qui force le chercheur à fuir. Elle met en péril la vie du chercheur, mais aussi ses travaux et productions scientifiques. Aucun ne choisit la route de l’exil par plaisir.
J’avais soif de vivre, de vivre sans crainte de mourir, de penser à autre chose, d’écrire, de lire, de faire des recherches. Cela n’était plus possible.
Ce parcours d’exil nous a enrichis en expériences mais sans l’engagement collectif et synergique entre les pays d’accueil et d’origine, aucun projet de coopération pour le développement ne peut être viable et efficace.
En 2015, Alep est classée comme la ville la plus dangereuse au monde. Une seule option : « partir ». Grâce à mes études à Grenoble, j’ai retrouvé espoir en réalisant mon rêve de travailler dans la recherche scientifique.
J’ai quitté la Turquie par la mer avec cette petite sacoche étanche. Il est fascinant et lamentable de voir comment la vie d’un homme peut tenir dans quelque chose d’aussi petit.
Aujourd’hui, le fait d’être une femme ou d’être chrétienne n’est plus un problème pour ma carrière mais je rencontre une autre difficulté, celle d’être une étrangère.
Sur ce cliché sont superposées une vue intérieure et extérieure du bâtiment de l’Observatoire de Paris. Il fait penser à des réalités communes à toute l’humanité, à commencer par le Soleil et la Lune.
Alors que la situation s’était sérieusement tendue en Turquie, notamment pour les universitaires signataires de la « pétition pour la paix », le programme PAUSE, nous a permis de prolonger le bref accueil dont avait pu bénéficier une chercheuse turque.
J’ai traversé la frontière entre la Syrie et la Turquie pour fuir la tyrannie. Puis, en homme libre, j’ai porté mon passeport et mes diplômes tout en observant le ciel, j’ai laissé les étoiles me faire voyager.
En tant qu’acteurs intellectuels, la question de l’exil et plus précisément des chercheurs en exil nous oblige. J’ai constaté l’importance de la question linguistique, souvent douloureuse pour ces chercheurs en danger.
J’ai subi la torture physique, la pression psychologique, l’éloignement géographique… mais j’ai aussi connu la résistance à cette terrible situation.
Il est plus que jamais nécessaire de continuer à accueillir celles et ceux qui, poursuivis pour leurs idées ou empêchés d’exercer par la guerre et les catastrophes, espèrent trouver en France un accueil humain et scientifique.
L’image de l’exilé devient trace et substitue la présence de la chose au lieu de l’absence. L’image ouvre l’espace de la réconciliation entre mémoire politique du lieu d’exil et résistance dans un lieu imaginaire qui le restitue.
J’ai la chance de faire partie des « accueillants » avec cette conscience aiguë que les accueillants d’aujourd’hui pourront être les accueillis de demain, comme en témoigne le beau mot d’hôte qui gomme la distinction entre les deux.
Chacune de ces rencontres m’a donné une conscience plus claire de la fragilité de valeurs qui, trop souvent, ne nous paraissent menacées que dans l’ailleurs, le lointain.
J’ai quitté la Syrie à cause de la guerre civile de 2011. J’étais professeur à la faculté de génie mécanique de l’université d’Alep. Cette sale guerre a dévasté mon pays.
J’ai quitté la Syrie à cause de la guerre civile de 2011. J’étais professeur à la faculté de génie mécanique de l’université d’Alep. Cette sale guerre a dévasté mon pays.
Travailler sur des questions comme les miennes engendre des déplacements forcés. Nombreux meurent en route, en prison ou sont tués. Je ne suis ni heureux ni malheureux d’avoir été le « chanceux » de cette foule d’être perdus et oubliés.
En tant qu’enseignant-chercheur, je suis bien placé pour aider les chercheurs et chercheuses en danger… Alors pourquoi ne pas le faire ? C’est le principe général de solidarité.
En tant qu’enseignant-chercheur, je suis bien placé pour aider les chercheurs et chercheuses en danger… En tant qu’enseignant-chercheur, je rêvais d’exercer pour mon pays. Bien que mon pays me manque, l’intolérance et les graves violations des droits de l’homme m’empêchent de rentrer.
L’encadrement juridique est défaillant au niveau international. Il n’existe pas encore de protection spécifique pour les chercheurs en exil.
Je suis déterminé à mener mes recherches mais mon âme reste troublée par la perte de mes proches aux mains du gouvernement chinois.
J’ai connu la migration très tôt, alors que je n’étais qu’un enfant. Je m’étais habitué à ne pas être dépendant, à recommencer de zéro.
Travailler sur des questions comme les miennes engendre des déplacements forcés. Nombreux meurent en route, en prison ou sont tués. Je ne suis ni heureux ni malheureux d’avoir été le « chanceux » de cette foule d’être perdus et oubliés.
Comme tant d’autres personnes originaires de régions opposées au régime, nous avons subi de terribles traitements. Aujourd’hui, en tant que doctorant à Orléans, j’ai retrouvé l’espoir et souhaite la même chose à tous chercheurs en danger.
Les Auteurs
Pascale Laborier (Chercheuse)
Pierre-Jerôme Adjedj (Photographe)